
Dans le site NATURA 2000
Baie et cap d’Antibes,
îles de Lérins »
RETOUR D’EXPERIENCE
Les pêcheurs de la Prud’homie d’Antibes Juan les Pins Golfe Juan, partenaires du projet travaillent quotidiennement sur le site Natura 2000 « Baie et Cap d’Antibes – Iles de Lérins ». Ce site remarquable d’une superficie de 13 .598 ha, dont 98 % de surface maritime, recèle une grande quantité d’espèces, animales ou végétales à préserver et à protéger.
Les pêcheurs en activité sur cette zone sont tout à fait conscients de l’importance à préserver le milieu dans lequel ils évoluent. La pêche professionnelle exercée dans le Département est une pêche aux petits métiers utilisant principalement des engins de type filet ou palangre ; mais les conditions météo ou l’affluence des navires de plaisance, surtout en période estivale, peuvent entraîner la perte involontaire des engins. En règle générale, les pêcheurs tentent de les récupérer car ils représentent un investissement financier conséquent (certains filets peuvent aller jusqu’à 1500 / 2000 Euros pièce).
Devant cette problématique, l’entreprise en charge des travaux a réalisé, à la demande de la Prud’homie de pêche, milieu 2015, une reconnaissance des sites comportant des engins de pêche perdus. Cette reconnaissance a permis d’avoir une évaluation globale du travail à réaliser. Voyant que cela allait représenter un certain nombre d’heures de plongées pour nettoyer les sites dans leur intégralité, la Prud’homie de Pêche s’est rapproché du Comité Départemental des Pêches Maritimes et des Elevages Marins afin de l’aider dans sa démarche. Le CDPMEM.06 a alors contacté l’Agence des Aires Marines Protégées afin de voir s’il était possible de procéder, à grande envergure, à l’enlèvement de ces filets sur les sites particulièrement touchés dans la zone NATURA 2000.
La Commune d’Antibes Juan les Pins, gestionnaire du site, a bien évidemment été informé du projet et son représentant, Monsieur Didier Laurent, a participé aux réunions préparatoires. Il suivra l’opération jusqu’à sa finalité.
LES OBJECTIFS DE L’OPERATION :
Le but de cette action est bien évidemment de restaurer certains habitats, « étouffés » et dégradés par la présence de ces engins et de retrouver après nettoyage des sites, des espèces (animales ou végétales) qui auraient pu déserter les lieux ne trouvant plus un milieu propice à leur développement. Bien évidemment s’ajoute à cela un impact visuel non négligeable pour les nombreux plongeurs souhaitant découvrir notre Littoral durant la saison d’été.
De plus, cette expérimentation, puisqu’il s’agit bien d’un projet pilote, permettra à l’Agence des Aires Marines Protégées mais aussi au CDPMEM.06 de tester le protocole mis en place par le MIO en situation réelle et constater de l’intérêt environnemental à enlever ces filets accrochés sur les fonds.
MISE EN PLACE DE L’OPERATION
Pour ce faire, une première réunion de travail s’est tenue début août 2015, avec Madame Sylvaine IZE, chargée de Mission auprès de l’Antenne Méditerranée de l’Agence des Aires Marines Protégées, Madame Laurence GENOVESE, Chargée de Mission du CDPMEM.06, Monsieur Denis GENOVESE, 1er Prud’homme d’Antibes Juan les Pins Golfe Juan et Monsieur Marc GERIA, Gérant de l’entreprise MG SCAPHE spécialisée dans les travaux sous-marins.
Pour ce projet, il nous fallait la mise en place d’un protocole de mesures afin que l’entreprise intervenante puisse avoir un référentiel quant à la façon de procéder et pouvoir estimer si l’engin et l’habitat sur lequel il reposait nécessitaient un enlèvement ou pas. Pour ce faire, Madame Sylvaine IZE a contacté Madame Sandrine RUITTON, Maître de conférences à l’Institut Méditerranéen d’Océanographie (MIO) et demandé à cette dernière de mettre en place un protocole de mesure des impacts (voir en annexe document de travail du MIO).
L’Institut a également mis en place en partenariat avec l’agence des Aires Marines Protégées, l’Institut Pythéas, les Parcs nationaux de Port Cros et des Calanques, ainsi qu’avec la FCSMP et l’OHM, un formulaire de signalisation des engins, destiné au Grand Public, afin que les usagers de la mer puissent déclarer la présence de ces filets perdus. Ce dernier est disponible par le lien https://www.mio.univ-amu.fr/?-engins-de-peche-.
De son côté et en collaboration avec le CDPMEM.06, la Direction des AMP a établi une convention de partenariat entre La Prud’homie de Pêche, Le CDPMEM.06 et l’Agence des Aires Marines Protégées, afin de définir les engagements de chacun, ainsi que leurs responsabilités (Réf. Convention AAMP/15/095).
Cette convention incluait la participation financière de l’Agence à hauteur de 8.000 Euros TTC pour un Coût total estimé à 13.440 Euros TTC ; La Prud’homie de Pêche prenant à sa charge le solde des frais engagés. Toutefois et après décision par l’ensemble du Bureau lors de sa dernière Assemblée Générale, le CDPMEM.06 a convenu d’aider financièrement la Prud’homie de Pêche à hauteur de 2.500 Euros et décidé d’apporter son soutien financier à toute autre Prud’homie du Département désireuse de s’engager sur ce type d’actions à hauteur égale de 2.500 euros (Délibération du CDPMEM n° 013-2016).
Un deuxième réunion préparatoire s’est tenue à la mi-septembre avec l’ensemble des intervenants, afin que l’Entreprise en charge des travaux sous-marins puisse comprendre ce que l’on attendait d’elle, que le MIO puisse transmettre à cette dernière les préconisations indispensables lors de l’enlèvement des filets et organiser des plongées sur des sites ciblés afin d’évaluer l’impact environnemental de plusieurs filets perdus autour du cap d’Antibes et plus particulièrement les sites de la FOURMIGUE et celui d’EDEN ROC (voir en annexe rapport de Mission de Sandrine RUITTON – MIO).
Le calendrier prévoyait une expertise scientifique sur sites à la fin septembre 2015, effectuée les 28 et 29/09/2015. Les observations qui ont pu être faites lors de ces plongées ont démontré que par exemple, pour le site d’Eden Roc au cap d’Antibes (le plus important en surface concernée, environ 250 m) le filet se trouvait déployé sur le coralligène, formant une grande nappe et recouvrant totalement l’habitat naturel. Et de par son état de colonisation et d’envasement ce dernier devait être là depuis de nombreuses années.
Ils ont pu constater que les corallinacées en dessous du filet étaient blanchies et que toutes les cavités se trouvant en dessous du filet étaient obstruées. Ils ont également pu constater la présence de gorgones rouges, nécrosées à plus de 50 % lorsque ces dernières étaient en contact avec le filet. Par contre, aucune espèce patrimoniale n’a été observée. Pour d’autres sites, comme celui dit de La Fourmigue à Golfe Juan, la roche sur laquelle le filet s’était fixé, présentait une surface totalement abrasée, exempte d’algues, avec cavités obstruées. Dans ce cas, le filet a rendu inutilisable l’habitat rocheux pour toutes espèces. En conséquence de quoi, une intervention sur ces sites était plus que nécessaire.
L’enlèvement des engins s’est effectué entre octobre et novembre et une fin d’opération en décembre 2015.
Bien évidemment, ces échéances prévisionnelles ne pouvaient pas prendre en compte les éléments climatiques pouvant survenir durant les opérations d’enlèvement. De fait et à cause de conditions météo défavorables l’opération s’est terminée en janvier 2016.
DEROULEMENT DE L’OPERATION :
L’entreprise MG SCAPHE représentée par Monsieur Marc GERIA est spécialisée depuis plus de 25 ans dans les travaux sous-marins en matière de recherches, de renflouages et de récupération d’engins.
En amont de l’opération, l’entreprise MG SCAPHE a effectué plusieurs repérages sur des zones spécifiques situées dans les eaux d’Antibes Juan les Pins Golfe Juan à l’intérieur du périmètre du site NATURA 2000.
De ses observations visuelles, l’Entreprise a constaté que 9 zones étaient concernées par la présence de vieux filets accrochés sur les fonds, représentant environ 900 à 1000 mètres de filets et a estimé environ que 16 plongées seraient nécessaires pour récupérer les filets et sur une période de 2 à 3 mois en fonction des conditions météorologiques. Ce repérage visuel a été entièrement pris en charge par la Prud’homie pour un coût total de 1.800 Euros.
La 1ère intervention a débuté le 27 octobre 2015 sur la zone d’Eden Roc (Cap d’Antibes secteur Juan les Pins – Point GPS N43 32.796 E7 06.652) à des profondeurs allant de 33 à 39 mètres.
L’intervention s’est déroulée en 5 temps, à savoir : (déroulement récurent pour toute intervention effectuée sur les 9 zones)
Le balisage de la zone sur 3 points
Découpe sur les fonds des morceaux de filets qui étouffaient les gorgones et autres espèces qui pouvaient être sauvées
Commencer dans un 1er temps à relever les morceaux de filets déjà décrochés
La récupération et la mise en dépôt sur le navire
Et enfin le stockage au Port de la Salis
Entre le 27 octobre et la fin décembre, juste sur cette zone, et par rapport à l’estimation de départ, l’entreprise MG SCAPHE a effectué plus de 43 plongées de 35 à 40 minutes chacune (décompression non comprise) et plus de 700 mètres de filets ont été récupérés d’une dimension allant entre 6 et 15 mètres.
Le déroulement des interventions s’est fait de la même manière sur les autres zones à traiter, à savoir :
- 2 ZONES traitées sur Le tombant secteur du Raventurier (Point GPS N43 33.365 E7 09.597) Profondeur d’intervention allant de 38 à 45 mètres.
Nbre de plongées effectuées : 5 - 2 ZONES traitées sur Pequerolle (Point GPS N43 34.277 E7 08.790°
Profondeur d’intervention allant de 19 à 33 mètres.
Nbre de plongées effectuées : 8 - 2 ZONES traitées sur l’Arens (Point GPS N43 32.677 E7 09.529)
Profondeur d’intervention allant de 43 à 68 mètres.
Nbre de plongées effectuées : 5
Une zone supplémentaire a été traitée sur le site dit Le Sécanion (Point GPS N43 32.309 E7 05.149) avec une profondeur d’intervention de 19 mètres pour le retrait d’environ 75 mètres de vieux filets.
A la fin des travaux, l’entreprise intervenante a estimé avoir enlevé environ 1800 mètres de vieux filets de dimensions variables et a effectué 63 plongées au total.
Nous pouvons donc conclure qu’entre l’estimation de départ et le constat final, il a été nécessaire d’effectuer un nombre beaucoup plus important de plongées pour finaliser les travaux et que la quantité de filets remontés se trouve être doublée.
CONCLUSIONS DE L’OPERATION :
La remarque que nous pouvons faire concernant la partie technique, c’est qu’il est difficile de faire une évaluation visuelle précise des travaux à effectuer, et qu’entre l’estimation de départ et le résultat final, l’Entreprise intervenante a dû effectuer un nombre beaucoup plus important de plongées pour finaliser les travaux ; quant à la quantité de filets remontés, elle se trouve être doublée. Toutefois, cette reconnaissance préalable des sites impactés reste essentielle. Elle permet à l’entreprise de travaux sous-marins de déterminer les profondeurs de plongées, d’avoir un aperçu général des zones à traiter et des particularités propres à chacune. Il est tout aussi important de s’assurer de l’implication pleine et entière des pêcheurs professionnels, ces derniers étant les seuls à connaître les sites de pêche et les zones où les engins perdus ont été remarqués.
Le choix de l’entreprise intervenante est aussi très important, il faut s’assurer du professionnalisme des plongeurs, ces derniers doivent être habitués à effectuer ce type d’intervention, assurant ainsi une certaine qualité dans l’exécution des travaux. Des plongées communes entre le gestionnaire d’AMP et l’entreprise pourraient permettre au démarrage des travaux de contrôler cette qualité et de réorienter l’entreprise au besoin.
L’entreprise a remarqué pendant les travaux, sur les sites où les cavités étaient libérées, un retour assez rapide de certaines espèces de poissons. Nous pouvons donc penser que ces zones libérées et nettoyés retrouveront petit à petit les espèces animales et végétales qui étaient familières à ce type de milieu.
Cela pourrait être confirmé par la réalisation de plongées AVANT et APRES travaux, et ce dans une optique de suivi scientifique afin de constater les effets de la mesure de retrait des filets. Malheureusement et dans l’immédiat, ce constat ne peut se faire, faute de temps et de budget. Mais nous essayerons d’organiser avec Sandrine RUITTON du MIO et l’entreprise intervenante, une ou deux plongées dès que nous le pourrons et transmettrons ses conclusions. Cependant, ce constat après travaux est à prévoir pour toute opération future.
Pour conclure, nous dirons, en tant que membre du Comité de Pilotage du site Natura 2000 « baie et Cap d’Antibes – Iles de Lérins » être pleinement satisfaits de cette opération. Cette dernière rentre tout à fait dans les mesures du document d’objectifs du site et il nous semblait très important que nos pêcheurs s’impliquent entièrement dans ce projet.
Nous comptons bien évidemment soumettre cette action aux autres prud’homies situées dans les Alpes Maritimes et espérons que les Prud’homies des autres départements se trouvant sur les sites Natura 2000 auront à cœur d’engager ce type d’action avec leurs comités respectifs.