Saint Patron des pêcheurs provençaux
La mer inspire une crainte légitime. Elle est le domaine des légendes, des superstitions, des monstres marins et des peurs les plus folles. C’est aussi du large que sont venus les plus grands fléaux de l’histoire maritime de la Provence: invasions guerrières, razzias barbaresques ou épidémies. De nos jours les tempêtes emportent encore des navires, leur cargaison et déciment les équipages, laissant à quai des familles pleurer les marins disparus en mer. Autant de corps sans sépultures. La mer est aussi nourricière. De tout temps de frêles embarcations l’ont affrontée avec le fol espoir de la vaincre. Pour quelques paniers de poissons des hommes ont risqué quotidiennement leur vie à seule fin d’exister. Tous n’ont pas rêvé aux trésors qui se cachent au-delà de l’horizon. Petits cabotages ou grandes traversées, chacun son destin, tout marin apprend à ses dépens les dangers qu’il encourt à naviguer. L’importance de la dévotion des pêcheurs provençaux s’explique en partie par cette peur ancestrale. Ce sont des siècles de craintes et d’espérances qui les ont façonnés. Le péril en mer est si grand qu’il ne peut y avoir d’espérances plus légitimes que celles placées en saint Pierre, leur saint Patron.
Une histoire lourde d'importance
La saint Pierre est une fête tout à fait particulière dont l’importance a plusieurs explications indissociables les unes des autres. C’est le 29 juin que l’on fête ensemble les deux apôtres que sont Pierre et Paul. Fêter le même jour deux saints est assez exceptionnel pour être souligné. Unis dans la vie et dans la mort, ils subiront le martyre sous l’empereur Néron, Pierre mourra crucifié et Paul décapité. Autre élément et non des moindres, la position calendaire de la fête de la saint Pierre. Cet anniversaire appartient au cycle de la saint Jean, cette grande période de réjouissances en l’honneur de l’été. C’est autour du solstice d’été (21 juin) que les jours sont les plus longs.
Cet évènement a de tout temps été célébré, du plus profond des âges alors que l’on vivait au rythme des saisons. Certains rites associés à ces fêtes (le feu purificateur, les feux de joie) puisent leur origine dans la tradition païenne. La personnalité même de saint Pierre qui fut un des plus proches disciples du christ donne à cette fête une dimension d’une importance capitale. Pierre est reconnu comme le principal Apôtres. Il accédera à l’autorité suprême en montant le premier sur le siège pontifical. Ces éléments permettent d’expliquer l’importance de ces fêtes célébrées partout en Provence mais c’est sur le littoral qu’elles connurent le plus de succès. Cet éclat a largement pu s’exprimer à travers le caractère festif et chaleureux des gens de mer.

Saint Pierre dans l'église
Pierre est le fils de Jonas, de son vrai nom Simon. Il vit à Capharnaüm où il exerce avec son frère André le métier de pêcheur sur le lac de Tibériade. Il est marié et vit une existence simple et heureuse. Il rencontre Jésus qui lui dit : « Suis-Moi, Je te ferai pêcheur d’hommes. » Il décide de tout quitter pour le suivre. Jésus lui donnera le nom araméen de « Képha », mot qui signifie « rocher » qui deviendra « Petrus » en latin, puis « Pierre » en français. « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Matthieu, XVI, 17). Il est intimement lié à la vie et à la mort de Jésus. C’est quelques heures après lui avoir promis fidélité, qu’il reniera son maître « Et Pierre se souvint de la parole de Jésus: cette nuit, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois ». Il est le premier et le plus proche disciple de Jésus, considéré comme le principal apôtre. Lors de la dernière apparition du Christ à ses disciples, il reçoit la mission d’être le pasteur de l’Église. Il deviendra le premier évêque de Rome et occupera le siège pontifical. La basilique Saint-Pierre de Rome serait construite sur sa tombe. A sa demande, Pierre fut crucifié la tête en bas sous l’empereur Néron en 64. Depuis une croix inversée porte son nom. Il reçoit et devient le dépositaire des clefs du ciel et de la terre qui ouvrent « le Royaume des cieux. » Evangile selon St Matthieu.
La position importante qu’occupe saint Pierre dans l’église démontre qu’il ne peut y avoir plus proche intercesseur entre les hommes et leur créateur. Derrière les peurs se cachent aussi les espoirs les plus fous, ils se révèlent par deux détails anodins mais caractéristiques de la tradition. Ce sont les petits poissons en métal argentés et les morceaux de filets qui pendent au cou de la statue de saint Pierre. Par cette convenance, les pêcheurs sollicitent leur saint afin qu’il leur accorde une bonne saison de pêche. Nous sommes ici dans une démarche qui correspond à une aspiration toute naturelle, celle d’un homme désirant assurer ses devoirs de chef de famille qui livre ses craintes et place ses espoirs dans les prières.
Cette dévotion est empreinte d’un sens religieux particulier dans lequel se confond le besoin d’exorciser le danger de la mer et celui de forcer sa chance. De folles espérances se côtoient, s’entremêlent et se confondent, elles sont indissociables les unes des autres et trouvent leurs justifications au plus profond des sentiments humains. Dans une démarche collective qui est à la fois religieuse et profane, chaque pêcheur s’en remet à saint Pierre. Combien de souhaits et de craintes se cachent derrière les célébrations qui lui sont consacrées?
Le choix de la date et de sa célébration
Si la date d’anniversaire de la saint Pierre est fixée par le calendrier, les réjouissances qui lui sont liées se fêtaient selon des approches particulières souvent liés aux intérêts de la fête elle-même. Elle se célébrait diversement selon les disponibilités des prud’homies, les motivations des organisateurs, les volontés de la municipalité ou les risques de juxtapositions avec d’autres fêtes ce qui aurait nui à la fréquentation. Certaines municipalités n’hésitèrent pas à la déplacer pour la faire coïncider avec la fête patronale ou avec une date plus marquante de l’histoire locale. A Monaco, le 27 janvier, on fêtait en même temps, Saint Pierre et Sainte Dévote, patronne de la principauté. A Menton la cérémonie se fêtait le 2 juin, jour de la Saint Elme qui est également considéré comme un saint protecteur des marins. Ce regroupement de deux célébrations adressées à deux saints différents mais aussi à une sainte peut s’expliquer autrement. Face aux dangers de la mer, l’intercession d’un seul protecteur n’étant peut être pas suffisante, on prit l’habitude d’en invoquer plusieurs afin d’augmenter ou tout simplement de cumuler ses chances. Les rites et les usages particuliers que l’on 
14 retrouve uniquement dans le milieu marin peuvent trouver ici toutes leurs justifications.
A Antibes, les fêtes de la saint Pierre ont traditionnellement lieu le week-end
qui précède le premier jeudi du mois de juillet,
date officielle du commencement des fêtes de
Notre Dame de Bon Port.
Vidéo de l’édition 2013
(Ville Antibes Juan-les-Pins)